Auteur Sujet: Alnora  (Lu 4332 fois)

Alnora

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Alnora
« le: 14 Juin 2009 18:56:11 »
Alnora jeta un dernier regard à la lumière du Soleil, puis s’engouffra dans le souterrain, en compagnie de Sixeoclock. Les deux jeunes femmes avaient été choisies pour apporter à Nali des présents afin de renforcer son pouvoir. Le monde était menacé. Les peuples tsuchi et reikon étaient frappés d’une terrible malédiction qui les rendait malade. Le vil Nextépé tentait de les affaiblir. Les îles avaient déjà disparu, engloutissant avec elles les peuples monstres. Les dieux étaient en colère, et leur bataille avait commencé, au mépris de la vie des humains…Les totems se volatilisaient les uns après les autres. Alnora ressentait une angoisse sourde, une anxiété qui grandissait chaque jour. Elle voyait des images terribles en rêve. Le feu, les cris, le sang…

Alnora secoua la tête, comme pour chasser ces pensées néfastes. Elle prit une grande inspiration pour se calmer, et tenta de se concentrer sur sa tâche. Trouver le temple de Nali, déposer les pierres de vie que les généreux tsuchis l’avaient aidée à rassembler. Et puis partir, retrouver Foster, son tendre chevalier, qui ne pouvait malheureusement pas la suivre dans cette quête. Elle sentit son cœur se serrer en songeant à leurs adieux, et ses pensées s’égarèrent à nouveau. Son chevalier l’avait serrée très fort contre lui, en lui recommandant la prudence, comme il le faisait à chaque fois qu’ils se séparaient, même pour un temps très court. Mais cette fois il l’avait regardée intensément, longuement, et elle avait senti à travers ce regard tout l’amour qu’il lui portait. Fugitivement, elle avait eu une sensation étrange, comme si c’était la dernière fois qu’elle le voyait. Elle avait repoussé ce malaise avec la même détermination qu’elle le faisait à présent. Elle accomplirait sa tâche. La déesse serait alors assez forte pour gagner la bataille, et Sanctuaire serait sauvée. Et Alnora et Foster seraient à nouveau réunis…

Elle avançait silencieusement, perdue dans ses pensées, quand elle aperçut une lumière vacillante au détour d’un couloir.
« On approche », murmura-t-elle, saisie par la solennité des lieux.
Sixoclock acquiesça en silence, et les deux jeunes femmes continuèrent d’avancer vers la source lumineuse.
Puis l’autel apparut. La statue de la déesse de la Vie s’élevait, majestueuse et rassurante, éclairée par des bougies qui semblaient ne jamais s’éteindre. Le lieu était empreint d’une magie ancienne, qu’Alnora pouvait ressentir dans ses veines. Il y avait beaucoup de pouvoir ici, et les deux jeunes femmes espéraient que les pierres de vie qu’elles apportaient permettraient à la déesse de triompher. Sixoclock et Alnora sortirent les petites pierres violettes de leurs besaces, et les déposèrent au pied de l’autel. La lumière des bougies vacilla.
Alnora prit la parole, dans une prière à haute voix à la déesse de la Vie.
« ô grande déesse Nali. Nous t’apportons une offrande, de la part des peuples tsuchi et reikon. Nos concitoyens ont tenu à te montrer leur attachement, en te faisant cadeau des pierres de vie qu’ils ont collectées ou reçues après des épreuves difficiles. Ce sacrifice témoigne de la confiance qu’ils te portent et de leur attachement pour toi. Nous espérons que ces présents t’aideront à augmenter ton pouvoir, et à gagner la bataille que tu mènes. »

Puis les deux jeunes femmes suivirent les instructions de Moroine, et s’éloignèrent sans regarder derrière elles. Le reste du chemin se fit en silence. Alnora aurait dû se sentir soulagée à l’idée d’avoir accompli sa quête, et pourtant elle se sentait de plus en plus mal à l’aise. Une image fugitive passa devant ses yeux, celle de Foster criant son nom, le visage déformé par l’angoisse. Elle se passa la main sur le visage, et sentit la sueur couler de son front. Elle ferma les yeux, prise de vertiges. Sixoclock s’approcha d’elle, inquiète, et lui demanda ce qui se passait.

« Je ne sais pas. Je sens une catastrophe arriver. Je crains que nous n’ayons échoué. »

Alnora se reprit, et elles réussirent à gagner la sortie. Tout semblait étrangement calme dehors. Les oiseaux ne chantaient plus, le silence régnait. Un silence de mort.
Alnora sentit à nouveau le malaise la saisir. Cette fois un déferlement d’images la frappa de plein fouet. Les pierres volaient, les maisons s’effondraient, le village tsuchi était en ruines. Et au milieu du chaos, elle vit son chevalier. Elle l’avait laissé à la scierie, et il était en train de tenter de sauver le bâtiment des flammes. L’incendie ravageait l’édifice, et des dizaines de tsuchis se passaient des seaux d’eau pour tenter de l’éteindre. Mais l’eau semblait inutile face à la fureur des flammes…

Alnora vacilla sous la violence des flashs qu’elle recevait. Un grondement s’élevait de la terre, s’amplifiait jusqu’à devenir assourdissant. Et soudain l’horreur. La terre se mettait à trembler, le sol se fissurait de toute part, et elle vit le village tsuchi disparaître dans le gouffre qui s’élargissait jusqu’à former un trou béant. Le sol se dérobait sous les pieds de Foster, qui n’eut que le temps de crier le nom de son aimée avant de disparaître dans l’abîme.
« NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON ». Alnora hurla et s’écroula à terre, terrassée par la douleur.

Mais le grondement se rapprochait à présent. Il était réel, terriblement réel. Alnora comprit alors qu’elle n’avait pas rêvé. Le village tsuchi venait vraiment de disparaître, et la colère de la terre ne connaissait pas de limites. Rassemblant tout son courage, elle se releva, essuya ses larmes d’un revers de main, et fixa Sixoclock droit dans les yeux. « C’est la fin. Nos villes ont disparu, nous allons disparaître à notre tour. Nous avons échoué. J’ai été heureuse de vivre cette aventure avec toi. Nous avons fait notre possible, mais Nali n’a pas été assez forte malgré nos offrandes.»

Alnora entama alors une incantation, qui pourrait peut-être les protéger de la violence du choc. Elle ne savait pas si cela fonctionnerait, mais la souffrance serait peut-être moins vive lorsque la mort viendrait. Le sol se mit à trembler sous leur pied, et un vacarme assourdissant emplit l’air. Alnora ferma les yeux, et revit le sourire de Foster. Leur éclats de rire, leurs moments de complicité, leurs instants de tendresse. La terre valsait sous ses pieds, elle se sentait ballotée dans tous les sens. Mais elle ne sentait aucune douleur, seulement le désir profond de rejoindre son chevalier. Elle revit également les membres de son clan. Ses chers petits Cœurs-de-dragon… Ils avaient passé tant de moments intenses ensemble. A guerroyer, à fêter les victoires, à accomplir des quêtes, à conter leurs histoires au coin du feu, dans leur manoir perdu au milieu des îles d’Oubli. Un sourire se dessina sur ses lèvres, alors que la violence de la terre se déchaînait autour d’elle. Elle savait qu’elle allait retrouver tous ces êtres chers, et qu’ils seraient à jamais réunis. Un murmure s’échappa de sa bouche. « Foster, je t’aime. » Puis Alnora disparut, engloutie sous un torrent de pierres…