- Se retourner pour rêver au passé, courir vers l'avenir -
Le royaume Mizu, enfin. La statuette de Shankara dans les bras, Akemi attendait. Elle avait laissé les marins aux commandes de Mawashi et s'étaient rendue dans les bas fonds de la ville surpeuplée.
La pièce dans laquelle était convenu le rendez-vous ne la rassurait pas. Située dans une auberge crasseuse et douteuse, dans une cave, elle avait tout pour déplaire. Akemi s'assit sur la table qui y était disposée et but une gorgée de raku raku à même le pichet. Elle était en avance, comme d'habitude. C'était bientôt la fin, et la somme qu'elle allait recevoir lui permettrait de couler une douce vie quelque temps, de garder ses hommes à son service et leur payer de l'alcool, ce qui au final, revenait au même. Elle pourrait ainsi traquer ceux qu'elle haïssait depuis si longtemps.
Akemi frissonna en entendant des pas dans l'escalier, et quelques murmures. Enfin. Elle se resservit une rasade rapide et s'essuya du revers de la main, descendit de la table d'un saut et sortit son épée. Les précautions étaient d'usage dans le milieu. Malheureusement, on avait insisté pour qu'elle soit seule.
Un petit Mizu gras entra, accompagné d'une sorcière à l'air peu engageant et d'un duelliste qui sembait taillé dans le granit. Akemi, méfiante, mit de la distance entre la petite compagnie et elle même. La table les séparait désormais.[/color]
"Héhé ma p'tite dame, on se méfie? demanda le gros homme.
-Oui, j'admets, répondit Akemi avec un mince sourire.
-C'est bien. Une fille comme vous peut arriver loin. Vous êtes une femme de confiance, vous savez.
-Merci.
-Oh, de rien... Mais vous savez, vous ne devriez pas.
-Que... Salaud !"
Des bras s'étaient agrippés à elle. Elle n'eut pas besoin de se retourner pour savoir qui la tenait et lui pointait un couteau sous la gorge. C'était l'odeur de Mawashi. La seule personne à qui elle avait pu faire confiance l'avait trahie. C'était sûrement le tintement de quelques pièces supplémentaires qui l'avait fait changer de camp.
Elle se dégagea de l'étreinte du traître, mais la lame de celui ci plongea dans le sein d'Akemi. Yuki sentit la flamme qui était en elle s'éteindre, toute sa colère se muer en chagrin et en désespoir. Plus jamais l'idée de tuer ne lui procurerait du plaisir. Son passé était à nouveau inutile. Qu'allait elle faire? Akemi, la pirate immaculée, était morte avec le croissant sanglant au poing de Mawashi. Il ne restait plus qu'une Yukikaze blessée, battue et aux abois. Le revirement fut sec et brutal comme un seau de serpents se déversant sur elle. Désormais, elle était seule et sans biens. Seule, contre tous? Ne lui restait il pas la moindre attache? Elle en doutait.
Son épée joua avec le poignard de Mawashi. Lui et son arme semblaient maintenant minuscules face à la détermination d'acier de Yukikaze. Son épée faisait des moulinets, destabilisant l'équilibre de Mawashi. Son coeur se serra lorsque son ancien compagnon, à court de moyens, lui lança la dague. De sa main gauche, elle la rattrapa et l'orienta d'un geste fluide vers le Mizu ventripotent. Ni lui ni ses compagnons ne virent arriver la lame, et, le double menton bien percé, le sang coula à flots. Ne s'en occupant plus, Yukikaze offrit une mort propre à Mawashi d'un estoc au coeur. Si les larmes qui coulaient brûlaient les yeux de la jeune femme, elle doutait que les deux autres s'en souciassent. Ils ne perdirent pas leur temps. L'un dégaina une rapière fine et vive tandis que des sons plus lourds crépitaient au coeur des mains de la magicienne.
Yukikaze lança la table sur les deux mercenaires qui visiblement tenaient à leur peau et à leur honneur. D'un élan souple, elle sauta au dessus, et grimpa les escaliers alors que les Mizus se relevaient. Elle se rua hors de l'édifice, et prit ses jambes à son cou. Ses poursuivants ne la lâchaient pas. Puis, au fil de la course, elle se retrouva au palais. Les gardes l'arrêtèrent.
***
Le procès fut vite expédié et Yukikaze Yukishiro, autrement nommée Akemi la Blanche, fut condamnée à la lapidation publique.
Elle ne put jamais oublier ce jour-là. Parmi toutes les promesses qu'elle put se faire, il resta une seule once de vengeance en elle.
"Oeil pour oeil, dent pour dent, sales Mizu. Vous, les traîtres parmi les traîtres, vous allez payer !"
Plus qu'à demi morte, on la jeta comme un sac à l'extérieur de la ville. Péniblement, elle se mit en marche. Son avenir n'avait plus qu'un but. La Capitale Tsuchi n'attendait qu'elle. Elle allait faire ses preuves. Silencieusement, Yukikaze pria Obrak pour Akemi, la pirate. Et, s'adressant tout haut à la ville qui se trouvait à l'autre bout du monde, elle hurla :
"Matsubara, tu n'as pas fini d'entendre parler de moi !!!"
Et elle se mit en route.[/i]