Auteur Sujet: Tortue Innocente  (Lu 10811 fois)

Yukikaze Yukishiro

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Tortue Innocente
« le: 26 Fév 2006 00:44:01 »
Un couloir sombre, seul le reflet de la lune éclairait le passage qu'empruntait en ce moment Yukikaze. Cet endroit était généralement désert, et ce fut pour cette raison que la lueur d'une bougie vint perturber ses pensées. Qui pouvait bien se terrer dans ce coin reculé, et a une heure pareille de surcroit? Cela ne présentait rien de bon... Pas à pas, le plus discrètement possible, la magicienne laissa courir son imagination : n'était ce pas une infâme trahison ou une secrète histoire d'amour?

Pourtant la réalité fut bien moins palpitante : ce n'était que Genji et il était seul.

Yukikaze se demanda un instant : "A qui sont ces appartements?" Elle retint la position de la salle dans le vaste édifice, se promettant un jour d'y revenir. Mais sa curiosité fut attirée par le garçon au centre de la pièce.

Celui-ci semblait mal en point : tout un côté était comme on le lui avait dit, le djinn l'avait salement amoché, mais aux dessous des blessures physiques que sa magie pouvait guérir, c'est dans son âme que le jeune garçon souffrait le plus ! Selon lui, il avait fait honte au clan qui avait daigner le recueillir. Ces derniers temps, il avait atteint des sommets et travaillait sans relâche pour se rendre utile mais à force de travailler et de gagner en confiance, il avait fini par commettre une grave erreur : sous-estimer son adversaire.

La suite, tous les membres de l'Akatsuchi la connaissent.  


"Genji, tu veux un coup de main?"

Le ton de Yukikaze était net, sans aucune once d'affection. Elle semblait parler à Genji d'égal à égal mais au fond d'elle, la compassion la torturait. Elle sentait bien qu'il n'arrivait pas à panser ses blessures correctement à cause de la douleur qu'il éprouvait sans doute... Blessé à son âge... Même elle n'avait pas combattu de Djinns à neuf ans. Sa main experte tira un bandage de sa ceinture obi et ses doigts remontèrent machinalement, l'espace d'un instant sur sa cicatrice et elle frissonna.

En temps normal, Genji était bien trop fier pour se laisser materner de la sorte, surtout par celle qu’il considérait comme la folle du groupe ! Cette impression lui était restée depuis qu’il l’avait vue dans une taverne, à tenter de créer une révolte. Mais ce soir était spécial, sa fierté et son honneur étaient partis en fumée.


"Oui, ...s'il te plait, ça pique..."

Les mots étaient sortis de la bouche de Genji contre son gré. La givrée allait le soigner, comme s'il n'avait pas pu le faire lui-même... Pouvait il le faire seul? Il ne le pensait pas, mais continua de se morigéner. Il aurait au moins pu avoir l'air plus... grand ! Et voilà qu'il jouait à l'enfant ; de toute manière, au point où il en était, rien ne pouvait être pire.

"Ne bouge pas, j'arrive.
-Mouais, merci, dit Genji, d'un ton réticent."

Genji avait fini de nettoyer sa blessure. Il était dos à elle, à genoux et torse nu, le baquet d'eau chaude teintée de sang fumait à ses pieds. Ses vêtements étaient posés à côté de lui, son l'anneau de l'akatsuchi qu'il portait au cou dessus. Elle voyait le caractère "tortue" inscrit en blanc sur la pierre noire. Son regard s'obscurcit. L'Akatsuchi ne donnait jamais les bagues au hasard, et si elle avait hérité de la Colère pourpre, ce n'était pas pour rien.

La blessure de Genji était presque refermée grâce aux soins magiques qu'il y avait apporté, mais cela ne suffisait visiblement pas. Son dos frêle était tout contusionné, et Yukikaze prit grand soin d'essuyer sa peau d'enfant avec le plus de douceur possible. Ensuite, elle se mit à son côté et banda son épaule gauche en n'omettant pas le bras que Genji devrait garder en écharpe quelques jours. Elle remarqua que Genji était tendu, comme si la proximité d'un adulte l'angoissait.

Une fois le bandage fini, elle repassa dans son dos et massa doucement le côté de son corps qui n'était pas tuméfié. Genji soupira. Elle se tourna ensuite pour masser le flanc droit de l'enfant, et vit sur son plexus une tache de naissance. Une jolie petite tache en forme de tortue. La bague... La tortue blanche, la tortue innocente. Elle avait devant elle son enfant, celui qu'elle avait laissé à son amie quelques années auparavant... non, impossible, elle ne s'appelait pas Shin'rin... Mais elle avait pu se marier...  C'était certainement le cas. Yukikaze ne put résister à l'envie cruelle de le prendre dans ses bras, son enfant. Proie d'une joie bien douloureuse, elle pleura amèrement son erreur. Les années de l'enfance de Genji étaient perdues dans les méandres du passé.

En gardant un ton qui se voulait le plus neutre possible, Genji articula malgré la douleur qui lui coupait le souffle un "tu me fais mal !" rageur. D'un coup de son épaule droite, se dégagea de l'étreinte de Yukikaze. Le geste fut douloureux mais le libéra du poids de la jeune femme.

Blessée, Yukikaze tenta de s'exprimer par hoquets :


"Désolée, je te fais mal? Oh, Genji ! Je... Tu sais que j'ai eu un passé tortueux, et plein de... d'a-aventures, de... J'ai autrefois connu un homme... quelqu'un, et j'ai... eu un enfant avec lui."

Les pensées de Yukikaze, se contredisaient... En ce moment de grande solitude, elle trouvait la joie des souvenirs passés, et celle d'avoir retrouvé son enfant. Mais elle ressentait aussi la douleur nostalgique que lui infligaient ces moments passés comme des milliers d'aiguillons chauffés à blanc. Son tourment ne s'arrêtait pas là. Son pire supplice était de voir que la roue du temps avait tourné en les laissant loin de l'autre, en le privant de mère et elle d'enfant. La honte et la tristesse la submergeaient mais ses larmes de bonheur surpassaient en force tout ce qui l'empêchait d'être heureuse.

"Cet enfant, je ne pouvais pas le garder, alors... je l'ai... abandonné. (Elle baissa la tête, puis la releva) Je l'ai confié à une amie à moi, Mitsuko. Et je lui ai demandé de veiller sur ... toi. Il avait une manifique petite tache de naissance... Oh, Genji, je suis si désolée ! Si j'avais su ce que je manquais, j'aurais tout, tout abandonné pour toi ! Je sais bien que l'argent que j'ai envoyé à Mitsuko ne remplace pas une vraie mère, mais j'ai confiance en elle ! Tout est fini, maintenant, nous sommes ensemble, hein, Genji?"

Genji déglutit soudain, non sans mal, et resta les yeux exorbités devant Yukikaze et se remémora chacun de ses mots... Personne ne connaissait le nom de ses parents, ni le fait que sa mère adoptive lui envoyait de l'argent. Mais il refusa cette vérité, ce devait être une très mauvaise farce!

"J'ai toujours pensé qu'il te manquait une case mais là, tu dépasses les bornes !"

Le tumulte de sentiments qui assaillait Yukikaze, retentissant dans son esprit comme un puissant hymne, fut contrarié par la simple phrase de Genji, qui résonna en elle comme la discorde ultime. En un instant, elle avait connu le bonheur. La fureur l'envahit et d'un coup sec elle claqua Genji de toutes ses forces. Elle enleva sa main et vit une marque rouge qui commençait à poindre sur la joue de son fils.

La joue violacée par la gifle, le garçon ferma les yeux et le sol s'humidifia de ses quelques larmes. Il ne put pas accepter, il fallait qu'il fuie cette réalité! Rouvrant les yeux, Genji s'enfuit aussi vite qu'il put, en prenant bien soin de garder la tête haute, espérant que l'effet de surprise empecherait sa... "mère" de l'intercepter.

Yukikaze tomba à genoux, brisée. Son propre fils la reniait... que lui restait-il? Rien? L'espoir fit lumière dans son esprit tourmenté. Si, elle pouvait le rattraper ! Elle se releva.

Elle courut dans les couloirs sombres et tranquilles, sans se soucier d'éveiller quiconque. Elle criait "Genji!" avec une intensité qui n'échappa pas aux témoins de la scène. Elle le retrouva enfin, petite silhouette courant au hasard des couloirs. Sa voix s'éleva une fois de plus, et enfin, elle l'atteignit alors qu'il était en train de traverser la taverne. Un étau enserra Genji, mais sa douceur le surprit. Le léger kimono de Yukikaze tombait presque - la course l'avait mis sens dessus dessous- elle ne fit aucun geste pour le remettre en place. Elle tenait une fois de plus Genji dans ses bras, contre sa peau à demi nue. Les deux membres de l'Akatsuchi présents dans la salle tournaient leurs regards vers cette scène insolite.

Clythorix laissa tomber son gobelet de thé épicé sur la table basse à laquelle elle était assise. Il éclata, et le liquide, en se répandant sur le bois, lui donna une teinte sombre particulière. Elle était surprise par ce spectacle. Elle voyait à présent un air de famille. En effet, Genji avait quelque traits de son amie Yuki. Clythorix trouvait étrange que cette crise ne fasse surface que maintenant. Elle était curieuse d'en savoir plus, mais son instinct guerrier lui souffla une idée qui la laissa perplexe. Des liens de famille dans l'akatsuchi risquaient sûrement de corrompre les liens du clan. C'était la porte ouverte à tout favoritisme. Encore sous le choc, elle préfera ne pas intervenir, ses yeux rivés sur la scène et ne se rendant même pas compte que le thé commençait à tacher sa tenue. Cet évenements la laissa étrangement perturbée et agir sans avoir les idées au claires n'était pas dans ses habitudes.

L'esprit analytique de Tai, recrue récente au sein de l'Akatsuchi, établit plusieurs hypothèses en une simple seconde. Il se demandait si Yukikaze était la mère du jeune garçon. Cela était possible, mais il en doutait fort. Bien que leurs âges aient pu confirmer ce point de vue, l'esprit du jeune sorcier, rationnel, pensait plutôt que Genji venait d'apprendre le décès de sa mère, et que Yukikaze venait le consoler. Genji, secret, ne lui avait jamais parlé de sa mère - ni de son père, ni de sa vie en dehors de l'Akatsuchi. En fait, Genji ne lui avait rien dit de personnel. Quant à Yukikaze, si elle lui avait parlé de son passé douloureux, des trahisons qu'elle avait essuyées, Tai pensait bien que sa vie ne se résumait pas à cela. Cela aurait pu être un abus deraku raku de la part de l'enfant, songea-t-il ironiquement, et il aurait alors pris Yukikaze pour sa petite amie... Un sourire se peint sur les lèvres de Tai, mais ses questions restaient sans réponse.

Doucement, Yukikaze approcha sa main du visage de son fils afin d'y sécher les sillons de larmes. Sa main était fébrile, tremblante, comme si elle n'osait faire le moindre geste brusque de peur que Genji ne s’enfuie ! Mais finalement, l'enfant se laissa faire. Il venait de retrouver un membre de sa vraie famille, celle qui avait toujours veillé indirectement sur lui. La blessure béante qui déchira son cœur lorsqu’il apprit qu’il avait été adopté venait de cicatriser mais il faudrait encore du temps… Ce n’est qu’à ce moment qu’il se rendit compte à quel point sa mère pleurait, et ce à cause de lui ! Alors, avec son sourire espiègle, il sécha lui aussi ses larmes et vint se blottir contre les fines épaules de sa mère. Seulement étant de nature curieuse, il ne put réprimer bien longtemps une question essentielle :


"Qui...qui est mon père alors?"

Les yeux de la magicienne semblaient toujours emprunt d’une peine immuable mais elle répondit avec un ton plus enjoué qu’il avait déjà eu sa dose de révélations pour la soirée... et qu’il était grand temps pour lui d’aller au lit !  

[Ce RP a été réalisé en grande partie par Genji, mais il tenait à ce que je le poste. Je remercie Tai et Clythorix pour leur participation...]
URL=http://imageshack.us][/URL] - Colère

Yukikaze, Akatsuchi