Nouvelle arrivante

[Méréthide]

Elle poussa la porte de la Taverne avec douceur, presque lenteur. Méréthide jeta un coup d'oeil à la pièce dans laquelle elle venait de rentrer, laissant ses yeux profiter des tables, du comptoir et autres mobiliers.
Elle fit un pas en avant lui permettant ainsi de laisser la porte se refermer dans son dos. Elle détacha la fibule qui maintenait sa mante bleue en place, la cascade de ses cheveux lui fit une nouvelle cape, vivante et mouvante. Elle plia avec soin le tissu et le passa par dessus l'un de ses bras. Sa peau pâle se colorait légèrement à cause de la chaleur de la salle. Elle resta un instant immobile, laissant ses yeux noirs balayer la pièce, alors que sa main gauche remettait en place un pli de sa sur tunique.
Enfin, elle aperçut une table libre et décida de s'y installer. D'un mouvement du poignet elle fit signe à une serveuse de venir prendre sa commande.

[Caranud]

Un jeune homme assis non loin à une table isolée, dans une pénombre relative puisque Gros Roger laissait rarement son bâtiment sans éclairage, tourna la tête à l’arrivée de l’inconnue comme il le faisait de temps en temps lorsqu’une nouvelle personne parvenait dans la taverne. Voyant que celle-ci se plaçait à une table vide, il se leva posément et se diriga vers elle. Comme il se déplaçait, les ombres semblaient comme danser autour de lui venant se rajouter à celles projetées par le feu non loin dans le décor animé de l’auberge.
Arrivé à la table, il lui fit un signe, désignant un siège vide.

- «Pardon, je me sens un peu seul, puis-je vous tenir compagnie quelques instants ?»

[Méréthide]

Une serveuse était venue prendre sa commande, un verre de lait lui fut rapidement apporté. Ne sachant pas trop quoi faire elle sortit des manuscrits qu'elle avait apporté avec elle, au cas ou.
Alors qu'elle allait commencer sa lecture, un jeune homme cassa le silence qui l'entourait en lui parlant.
Il ne lui fallut pas longtemps pour reconnaitre l'origine du jeune homme. Seizon... Elle en mettrait sa main au feu!

J'ignorais que votre peuple laissait ces gens seuls devant un verre... Prenez place. Profitez donc qu'aujourd'hui je n'ai pas envie de créer de heurt dans cette taverne.
Puis-je au moins savoir votre nom?

[Caranud]

Le jeune homme sembla un instant réfléchir aux paroles de l’inconnue. Son peuple… Auquel appartenait-il désormais ? Néanmoins, en y réfléchissant, il restait attaché à la patrie qui l’avait nourri, protégé et éduqué.
Il se reprit néanmoins alors que son regard s’attardait sur les parchemins de l’inconnue et s’assit à la place qu’il avait désignée tout en répondant à son interlocutrice avec un sourire.

- «Mon peuple irait très certainement jusqu’à vous proposer plusieurs verres dans l’espoir de vous voir en commander plusieurs si l’établissement leur appartenait. Ou d’acheter votre amitié… La notion de profit leur est très chère. Chacun ses défauts, je suppose…»

Il appuya son propos avec un geste de distance de la main.

- «Mais je ne suis venu pas venu en Seizon marchand, demoiselle. Comme je vous l’ai dit, je me sentais seulement un peu seul et cette taverne permet toutes sortes de rencontres intéressantes. Pour ce qui est de répondre de votre question, je m’appelle Caranud.
Puis-je m’enquérir du votre à mon tour ?»

[Méréthide]

Le peuple marchand ne possède pas une bonne réputation à Lynsk... Excusez moi d'avoir montré les dents... Enseignement pris depuis nos  premières classes.

Elle releva le poignet et d'un mouvement de la main, chercha à attirer l'attention d'une serveuse.

Je me prénomme Méréthide... Je sors tout juste de mes cours à l'école de sorcellerie... Et je n'ai pu m'empêcher de sortir mes notes de cours...

Elle désigna du menton les parchemins.

Mais lorsque je sors, je crois qu'il faudrait que j'arrête de m'imaginer entre deux salles de classe.

[Caranud]

Caranud jetta un regard vers les parchemins lorsque son interlocutrice les lui montra. Une élève sérieuse, à en juger par la quantité de notes prises. Et intelligente.

- «Enchanté alors, Méréthide. J’espère ne pas vous déranger dans vos révisions, le savoir est une chose précieuse pour lequel j’ai beaucoup de respect. Surtout lorsqu’il s’agit de sorcellerie, la manipulation des régles de l’univers nécessite une connaissance et une maitrise pointue de cet art.

Caranud prit une pause avant de continuer, l’air songeur.

- «Excusez mon indiscrétion et ma curiosité mais qu’est-ce qui vous a amené à vous y intéresser ?»

[Méréthide]

Non non, une pause est loin d'être désagréable. Je ne m'y replongerais qu'avec plus de plaisir plus tard.

Elle réfléchit un instant à comment formuler sa réponse à la seconde question de Caranud.

Etant plus jeune j'ai été fasciné par les sorciers vivant à Lynsk, je crois que la première raison de mon entrée à l'école fut par mimétisme, par envie d'être aussi prestigieuse qu'eux.
Ensuite, le savoir que l'on nous apportait m'a réellement passionné. Voir tous ce que nous serons à même de maîtriser... C'est enivrant...

Se rendant compte qu'elle avait parlé seule pendant un moment, elle rosit.

Et vous... Appartenez-vous à un corps de métier?

[Caranud]

- «Je vous souhaite d’avoir autant de maîtrise mais aussi la sagesse de bien l’exploiter ; plus le pouvoir est grand, plus il est difficile à dominer.
Quant à mon appartenance à un corps de métier, je dirais que je suis un magicien. Enfin, c’est la voie que j’ai suivi au départ, et maintenant je suis plutôt un modeste pratiquant et théoricien de la magie, m’intéressant à toutes ses formes d’expression, que ce soit les sorts d’attaque des sorciers, les incantations de protection des magiciens, la particularité de certains mélanges alchimiques, les lois qui régissent l’univers…»

La voix de Caranud se faisait de plus en plus passionnée au fur et à mesure qu’il parlait de son sujet d’étude privilégié. Lorsqu’il eut fini, il s’arrêta un moment, exalté.

[Méréthide]

Les oreilles de Méréthide écoutèrent avec intérêt l'évidente passion de l'homme qui lui faisait face.

Vous devez avoir passé de longues nuits à étudier pour être capable de maitriser tant de sujets!

Elle se sentit gênée, se rendant compte de la petitesse de son savoir.

Vous ne vous intéressez qu'à cela? Seul le savoir lié à la magie fait briller vos yeux?

[Caranud]

- «De longues nuits, oui. Mais dans mes études, j’ai essayé de m’intéresser à beaucoup de sciences. L’histoire, la géographie, les arts de l’éloquence et de la compréhension humaine, entre autres, sont un atout non négligeable pour tout homme, et j’ai eu maintes fois les occasions d’utiliser ce que j’avais appris. Ils permettent aussi de mieux saisir la magie car tout a un rapport avec l’univers et la magie ne fait que prolonger la perception de notre monde.
J’ai donc passé beaucoup du temps à étudier et m’intéresser aux théories pendant que nombre de mes camarades cherchaient déjà à exploiter cette puissance. Lorsqu’eux s’ennuyaient pendant les cours théoriques, ne brûlant qu’à ferailler avec leurs nouvelles capacités de destruction ou à entrainer l’utilité de leur savoir magique, je me perdais dans les capacités multiples infinies qu’offre la magie sur le monde et je cherchais aussi bien à saisir les lois de ce monde qu’à comprendre de façon parfaite la magie. Ils avaient pour eux l’impatience de la jeunesse et la volonté de rentabilité seizonne, sans doute…»

Le jeune mage eut un sourire sarcastique à cette mention, puis continua, semblant se perdre dans ses pensées au fur et à mesure qu’il parlait.

- «Il y a néanmoins un jour où je fus prêt, et où étudier en laboratoire ne me suffisait plus. J’avais besoin de mettre en pratique toute cette théorie qui, sinon, ne rimait à rien. De plus, la guerre grondait… À ce moment, votre peuple s’attaquait férocement aux frontiéres de mon royaume. À tort ou à raison, je ne souhaite pas en discuter, la guerre est déjà en elle-même une erreur selon moi. C’était il y a un moment déjà… Et les tourments des affrontements m’obligèrent à me surpasser, pour les miens et pour sauver ma peau. Jusqu’à d’autres événements qui me transformèrent alors tout à fait et me mirent à l’écart du monde…»

Mélancolique, Caranud marqua une pause, et ce fut comme si le temps était suspendu pour un moment. Une chope tombée à terre d’une table voisine le ramena brusquement à la réalité…

- «Voilà pour ce qui est de mon intérêt pour la magie. Reste que je ne suis encore qu’un apprenti sur bien des sujets. Mais j’ai beaucoup parlé et je vous ai peu laissé la parole. Où en êtes-vous de votre enseignement ? Comment comptez-vous l’exploiter ?»

[Méréthide]

Méréthide se saisit d'un parchemin vierge lorsque Caranud repris la parole. Notant tous ce qui lui semblait important.
Elle ressentit une vive jalousie envers tous ces étudiants seizons qui ne se rendait pas compte de ce qu'ils avaient. Elle posa sa plume lorsqu'il s'interrompit.

Je suis bien loin d'avoir votre niveau, je suis en passe de quitter l'école. Je suis pour le moment en préparation de l'examen de fin de scolarité. Ensuite, j'enchainerais les stages proposés par le royaume, de façon à me perfectionner.

Elle lui adressa un sourire.

[Caranud]

Caranud répondit à son sourire et son compliment par un autre.

- «Vous savez, le niveau ne signifie pas grand chose en magie. Bien sûr, il vaut mieux connaitre de nombreux sorts pour ne pas être pris au dépourvu, les maitriser pour pouvoir les utiliser correctement voire les magnifier, mais au bout du compte seul votre volonté et votre imagination comptent…»

Caranud relacha alors son intention de la jeune Reikonne et se tourna vers une table proche où brillait une bougie. Il tendit sa main vers elle, se concentra un instant puis pencha doucement sa main. La flamme de la bougie oscilla un moment puis se mit à suivre le mouvement du mage. Celui-ci la fit descendre quasiment à la verticale puis la remit droite, tout aussi délicatement. Il reporta sa concentration sur Méréthide.

- «Mes confrères méprisaient ce genre de tour, ils n'y voyaient qu'un tour de passe-passe, de l'illusion de pouvoir qui selon eux ne servait à rien. C'est peut-être vrai, mais il reste que pour moi savoir manier la magie sous toutes ses formes, la comprendre et vivre avec elle permet d'améliorer sa maitrise et par-delà, de s'améliorer soi-même.»

Le mage marqua à ce moment une pause, avant de reprendre.

- «Si vous en avez le temps et l'envie, essayez de passer à notre académie après votre examen de fin de scolarité. Je sais bien que nos nations sont un peu en froid, mais si vous contactez directement un membre de l'Arcana Prima et justifiez votre venue par le besoin de découvrir des horizons nouveaux, il pourra difficilement refuser.»

[Méréthide]

Le tour qu'il réalisa avec la flamme lui plut. Il paraissait si simple d'exécution, ses mouvements étaient si aisés.
Ses iris suivirent le mouvement du feu, presque hypnotisée. Aller en pays seizon? Son duvet hérissa sur ses avant bras.
On ne renie pas une haine instaurée des la naissance. Mais sa curiosité était forte.
Elle nota alors le nom fournit.

L'Acarna Prima est elle un clan Seizon? Je crains que la haine ancestrale entre nos deux royaumes soit très forte. Il faudra que je sois très convaincante pour qu'ils acceptent une telle requête!

Mal à l'aise, elle se tortilla sur sa chaise.

Est ce facile pour vous de passer les portes de Lynsk?

[Caranud]

- «L’Arcana Prima est un clan Seizon, mais il est d’origine Mizue. Plusieurs de ses membres sont d’ailleurs des Mizus qui ont souhaité se rattacher à la nation Seizonne. Et surtout, il a pour vocation première de transmettre la connaissance. Autant d’éléments qui faciliteront vos relations avec cet organe. Si vous avez vraiment des difficultés, essayez de contacter Merrick et prononcez mon nom. Je ne sais pas s’il se rappelle de moi mais nous nous étions plusieurs fois entretenus dans les salles d’études. Tentez de trouver tout membre de l’Arcana Prima ou un ancien académiste autrement mais je vous garantit encore moins qu’il se souvienne de moi. J’ai passé beaucoup de temps solitaire dans mes études ou à silonner les routes en quête de savoir et il n’y a paradoxalement qu’à l’extérieur de la cité que j’ai gardé le plus d’accroches.»

Caranud eut un sourire indénissable puis ajouta :
- «Et pour répondre à votre question, il m’est maintenant facile de rentrer dans votre Royaume ou même votre capitale et d’y errer à ma guise. Mais votre Royaume est plus étalé que le notre et le relief des montagnes permet de plus facilement se cacher que les plaines des Tsuchis ou nos villes concentrées…»

[Méréthide]

Elle ajouta quelques notes à son parchemin, soulignant avec légèreté les noms propres des personnes nommés par le seizon.

Notre royaume plus étalée? Pourtant en étudiant des cartes, j'ai l'impression que la capitale seizonne est bien plus grande en surface... Ensuite, les frontières d'un royaume sont mouvantes, au gré des guerres et des alliances, ce n'est pas réellement quelque chose auquel on peut se fier je crois.

Passez vous beaucoup de temps dans ce lieu?