Irvine ne put s’empêcher d’être surpris lorsqu’il fut découvert par son futur mentor. En effet, il avait particulièrement pris soin de se trouver une cachette ou il pouvait voir sans être vu.
Il avait jeté son dévolu sur un chêne à la hauteur impressionnante et aux branches touchants pratiquement le sol à leurs extrémités, signe de son grand age. Mais ce qui était remarquable c’était ses connexions avec les arbres environnants grâce à un réseau de branches qui s’entrelaçaient avec les autres. La fuite en cas de menace ou de découverte était grandement facilité par cet avantage, vu qu’il y avait un accès direct pour la cime de cette forêt.
Perché ainsi, il pouvait observer ce que faisait l’homme qui l’avait surpris la fois dernière, il le regarda prendre soin de son champ, enlever les mauvaises herbes, entretenir les canaux d’irrigation partant du petit torrent crée par la chute d’eau. Il contempla cet scène pendant quelques temps, cette vie tranquille lui manquait depuis ce jour où ses parents périrent.
Tout n’avait été que souffrance et solitude maintenant , le moindre faux pas aurait pu lui être fatal. Combien de fois il avait faillit manger des baies ou des racines toxiques, heureusement qu’en observant le régime alimentaire des animaux, il pouvait discerner ce qui était comestible ou non.
Mais ce qui lui manquait le plus c’était justement cette tranquillité. Il ne pouvait s’empêcher de penser à cette vie qu’on lui avait volé en même temps que ses parents. Il ne savait pas si un jour il pourrait de nouveau connaître le bonheur au quotidien. Jamais plus il ne rirait en faisant une bêtise avec ses amis d’enfance, il aurait donné tout ce qu’il avait de plus précieux pour pouvoir entendre de nouveau la voix de son père qu’il le grondait pour une quelconque bêtise d’enfant.Ne plus voir le sourire de sa mère en contemplant ses enfants manger une tarte aux myrtilles ou rire de ses amis chapardeurs qui avaient le chic de voler le gâteau tout juste sortie du four à pain. Sa mère ne les sermonnait jamais, non , elle disait toujours que ce n’était que des enfants et qu’il existait de pires maux sur cette terre que de voler des gâteaux.
Machinalement, il porta à ses yeux l’amulette qu’il avait offert à sa mère. Il avait une promesse à tenir et ce n’était pas ainsi qu’il l’accomplirait. Séchant alors les larmes qui se formaient à la base de ses yeux et menaçant d’envahir ses joues, il décida de descendre de son perchoir. Mu par il ne savait quel instinct, il porta son regard vers la petite maison mais il ne vit plus le propriétaire. Il ne savait même pas quoi chercher. De la fumée se dégageait même de la cheminée. Sans doute était il entrain de faire de la cuisine, s’était il dit à ce moment là.
Ne sachant pas pourquoi il devait rester là et surtout son ventre se rappelait à son propriétaire cela faisait longtemps qu’il n’avait pas mangé correctement, il préféra revenir sur la terre ferme en prenant soin de ne pas glisser sur la mousse si traîtresse qui poussait à la surface des branches.
Atteignant la base du tronc du vénérable chêne, il ne put s’empêcher de passer sa main sur l’écorce du tronc, il appréciait cette forêt c’était devenu son second foyer même si la vie était loin d’être facile. Il ferma les yeux et se concentra sur son examen. Le contact était rugueux mais sous cette apparence de dureté, il y avait de la vie qui était sans défense face aux haches des bûcherons. Il resta immobile ainsi pendant quelques temps, laissant la brise du soir lui caresser ses joues. Il se sentait bien, vivant même.
Cependant, une lourde main s’abattant sur l’épaule mit un terme à ce contact particulier avec la nature. Même en gardant les yeux clocs, il était persuadé de savoir qui pouvait bien le surprendre ainsi. Cela m’était à mal sa fierté alors qu’il s’était persuadé que personne ne pouvait le prendre en défaut. Pourtant il s’était bercé de douces illusions.
Cette fois ci il ne se déroba pas comme la fois dernière et préféra se retourner et fixait du regard celui qui l’avait surpris ainsi. Ce fut l’intrus qui parla le premier.
Alors, fiston, on reste là à m’observer. Tu n’as donc rien de mieux à faire. Je vois que tu sens moins fort que la dernière fois, tu as enfin pris le temps de prendre soin de ta personne.
A voir ces yeux malicieux pétillaient de vie, le jeune garçon sut que cette conversation amuser cet homme. Il n’y avait aucun reproche dans ce qu’il disait. Il l’invitait à répondre, alors le petit vaurien prit la parole d’une voix mal assurée, hésitante. S’entraîner devant un buisson était plus aisé que devant une personne, il s’en rendait compte maintenant. Prenant son courage à deux mains, il commença à formuler une réponse.
Je m’excuse pour hier de vous avoir voler mais je devais me nourrir et vos légumes n’avaient donné l’eau à la bouche….
Il ne put même pas finir sa phrase, son futur maître l’interrompit de suite. Il paraissait surpris.
Tu n’as donc pas de parents pour prendre soin de toi ? Je ne comprends pas pourquoi tu serais obligé de subvenir à tes besoins, tu n’as pas à le faire c’est ta famille qui doit s’en charger ? Dis moi, j’ai l’impression que tu n’as pas l’habitude de parler, je ne me trompe pas, non ?
Il paraissait stupéfait par ce qu’avait dit l’enfant et Irvine ne put s’empêcher de rouler de grosses larmes. Elles n’amélioraient pas du tout sa diction, déjà que ses réponses étaient hachées, il devait aussi sécher ces larmes car elles encombraient sa vue. Il ne savait pas pourquoi il réagissait ainsi mais l’homme n’avait pas cherché à le sermonner pour son délit.
Non, ce qui était surprenant c’est qu’il paraissait s’inquiéter du sort de l’enfant. Peut être est ce pour cela que ce jour là, il lui conta son passé. A l’époque, il n’avait pu décrire le drame qu’avec des mots d’enfant mais le visage de l’homme s’attristait à mesure que le malheur, qui s’était abattu sur le petit voleur, se précisait. Il ne l’interrompit pas une seul fois, facilitant les confidences de Irvine.
Au bout d’un moment, il n’avait plus rien à dire et ce fut à ce moment que le destin l’avait mis sur la route de cet homme. En effet, à la fin de ces confidences, il le prit dans ces bras et le jeune garçon appuya sa tête sur son épaule. Caressant son visage tout en lui disant des paroles réconfortante, il lui assura que plus jamais il ne serait seul, que s’il le voulait il pouvait venir habiter chez lui, il avait de quoi le nourrir jusqu’ à ce qu’il atteigne sa majorité et alors libre à lui de décider de rester ou de voler de ses propres ailes.
Le garçon se dégagea de l’étreinte de l’homme et ne sut pas quoi dire. C’étaient les plus belles paroles qu’il avait entendu depuis la mort de ses parents. Il ne sut quoi répondre et préféra prendre la fuite. Il avait peur de s’engager, il ne savait pas du tout s’il était prêt à retrouver une vie normale. Il se maudit pour sa réaction mais il ne savait pas du tout comment réagir. Alors il courut, courut….
Pendant quelques jours, il réfléchit aux paroles de l’homme, il cherchait dans celle-ci, l’ombre d’un doute qui pourrait le persuader de refuser cette offre. Plus il y pensait, plus il se rendit compte que c’était la seul personne qui vous l’aidait et qu’avait-il fait lui, c’était fuir. Il avait du lui faire de la peine, comment pouvait-il de nouveau se présenter devant cet homme. Jamais il n’avait eu autant honte de lui qu’en cet instant, pourtant quelque jour plus tard il se présenta devant son futur mentor et il l’accueillit a bras ouvert, il ne fit même pas mention de ce qui s’était passé. Il était heureux de l’accueillir et Irvine lui ne savait pas ce que le destin lui réservait encore. Ils se dirigèrent ensemble vers la maison car un repas chaud l’attendait et il était affamé. A mesure qu’ils avançaient, il sut que sa vie ne serait plus jamais la même….