Noir. Obscurité. Ombre. Tout était fait pour laisser la peur s’insinuer au plus profond des prisonniers. Malheureusement pour la garde, la nuit est le royaume de Mortimer. Il se sent à l’aise ainsi protégé par l’absence de lumière. Mais il n’en était pas de même pour ses co-détenus. Néanmoins pas un bruit ne s’élevait du gigantesque cercle de pierre, qui sert d’habitation aux prisonniers. Soit, la terreur était telle que nul n’osait élever la voix, ou alors il se tramait quelque chose. Mortimer s’en moquait, il avait encore des missions à accomplir avant de tenter de s’enfuir. L’un de ses objectifs se trouvait par un heureux hasard à ses côtés.
Silencieux comme à son habitude, tel un serpent surgissant devant une licorne, Morty s’extraie de son trou. En équilibre sur l’étroite corniche qui reliait les niches entre elles, Mortimer atteignit sans mal le trou voisin, où l’attendait, recroquevillé, sa cible. Elle tremblait de peur, comprenant que crier ne servirait à rien…
« Bonsoir cher ami. Vous me voyez ravi de vous voir enfin… Je suis en retard sur mes prévisions, et je vous saurais gré de m’en excuser. Votre fin lente et douloureuse sera en conséquence rapide et sans douleur pour me faire pardonner. » Telle furent les paroles de Mortimer à son vis-à-vis. Pourtant nul parole ne vint entacher le silence qui régnait en despote en ces lieux.
« Je sais qui tu es… Je te vois tel que tu es, saleté d’ombre ! Mais tu ne m’auras pas, j’ai vu mon destin. Il ne doit pas finir entre tes mains. » fut la réponse de sa victime… Savait-elle que Mortimer obéissait lui aussi à un destin farceur, changeant d’avis pour brouiller le don de double vue de certains hommes ? Et que justement il était là pour altérer le destin de cet homme.
Résignation ou bien folie, sa cible tenta de lui sauter dessus pour le faire basculer dans le vide après ce laïus. Mortimer était habitué à tout maintenant depuis le temps qu’il sévissait en ce bas monde : lamentations, supplications, folies, dernières volontés toutes plus ineptes les unes que les autres, agression, suicide… et il était prévenant, anticipant chaque mouvement de ses cibles avant que celui-ci ne s’amorce, ou que l’idée ne naissent dans leurs esprits. Cette fois-ci ne fit pas exception. Mortimer esquiva l’attaque en se raccrochant à la corniche tandis que le corps de sa victime plongea dans l’obscurité. Celle-ci l’effleura au passage, essayant dans une ultime lueur de lucidité de se raccrocher à quelque chose. Mortimer lui tendit la main, le retenant au dessus du vide. A ce moment jaillit une clameur collégiale du fond de l’arène et des dizaines de torches s’allumèrent une à une, transformant l’arène en contre bas en une nuit étoilée. Une tentative d’évasion… Mortimer fixa sa victime pendu à son bras, puis lui souriant le lâcha, laissant le cri du condamné se perdre dans les sons des premiers affrontements entre gardes et prisonniers. Ces derniers avaient réussi à se confectionner des armes certes rudimentaires mais qui n’en était pas moins mortel pour la plupart de ces hommes et femmes habitués à la guerre. La première charge des gardes fut surprise de voir leurs adversaires arborer des silex et surtout de les voir si nombreux. Le raz de marée des prisonniers submergea rapidement les premiers gardes. Intelligemment, les prisonniers assurèrent leur position dans un premier temps en bloquant les trois sorties et s’armant des armes des premiers gardes à terre. La furie qui s’ensuivit, accentuée par la soif du sang qui coulait de chaque côté, servit dans un premier temps les intérêts des évadés qui n’avaient rien à perdre. Les prisonniers tinrent bon jusqu’à l’arrivée de Zéphyr.
Mortimer s’était prestement dirigé vers le sol, et foulait le sable de l’arène quand Zéphyr fit son entrée. Les émeutiers avaient prévu son arrivée et un énorme rocher fut poussé du haut des gradins-dortoirs alors que les prisonniers finissaient les derniers gardes qui résistaient. Le sable couvrant l’arène s’anima soudainement, et un vent de folie se déchaîna contre le rocher, le maintenant en l’air. Puis petit à petit, le sable voltigeant dans le vent commença son travail de sape, usant le rocher qui devient caillou, puis sable à son tour… Son tour de force avait duré à peine une minute mais avait suffi pour détourner l’attention de Zéphyr, permettant à Mortimer de s’infiltrer dans le tunnel sombre où l’archer avait été emmené, en ayant au préalable dépouillé quelques gardes de leurs dagues. Il entendit plus qu’il ne vit, le vent souffler comme jamais. Les torches s’éteignirent de concert et le bruits de corps s’entrechoquant dans des craquements sinistres ne laissait aucun doute sur l’insu de la bataille. On aurait dit un navire s’échouant contre un récif. Le silence morbide qui suivit apprit à Mortimer que la bataille était finie. Les lumières revenaient une à une, cette fois portées par des gardes.
Le tunnel était suffisamment large pour que Mortimer se planque, évitant ainsi le regard des gardes se précipitant vers l’arène. Mortimer attendait son heure… Question de timing, il n’avait pas le droit à l’erreur. Il prit son courage à deux mains quand il vit la silhouette de Zéphyr à l’entrée du tunnel, dans l’arène. Il se plaça au centre du trou noir, laissant sa silhouette se découper aux yeux de tous.
« Hé, Zéphyr, au lieu de brasser du vent, tu ferais mieux de surveiller tes arrières… »
Puis Mortimer railla encore sur le compte du garde noire dans le but de lui faire faire un faux pas, qu’il espérait fatal. La réaction ne se fit pas attendre et le vent s’engouffra dans le tunnel, le projetant dans un premier temps dans les airs, puis vers Zéphyr lui-même, sans doute pour le plaquer à ses pieds. Porté par ce vent puissant, il se laissa emporter. Arrivé à quelques pas du monstre de la garde noire, il se tortionna d’un violent coup de reins et envoya deux dagues dans la direction de ce dernier. Accouplées à la force du vent, les deux lames se fichèrent dans le corps de Zéphyr, stoppant le vent aussi sec. Mortimer fut projeté au milieu de l’arène, entouré de gardes mais le sourire aux lèvres. Il fut roué de coups et le noir de l’inconscience vint le réconforter dans ses bras.